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NAISSANCE DE LA SEIGNEURIE

 

C’EST VERS 950, SELON LA CHRONIQUE DE SAINT-MAIXENT, QUE LES LUSIGNAN ONT ÉTABLI SUR ORDRE OU AVEC AUTORISATION DU COMTE DE POITOU LEUR PREMIER CHÂTEAU.

 

Ce dernier devait être une position avancée, sous la forme d’une tour en bois, qui permettait de contrôler les routes menant de Poitiers à Saint-Maixent, Niort, Saintes et Saint-Jean d’Angély.

 

Ainsi, Lusignan est devenu le siège d’une châtellenie alors que le système féodal se mettait en place.

 


I - DÉVELOPPEMENT LOCAL DU Xe AU XIIe SIÈCLE

 

Au Xe siècle, les Lusignan étaient déjà en possession de plusieurs alleux (terre libre sans seigneur). Ces châtelains ont pris de l’importance au cours du XIe siècle et exercé un ensemble de droits parmi lesquels figurait la justice.

Par ailleurs, la mise en place de droits de péage sur les terres de la seigneurie permettait d’augmenter leurs revenus.

Il existait aussi des taxes auxquelles la population devait se soumettre, comme celle pour l’utilisation du four seigneurial. Un acte de 1009 fait mention d’une ville (« urbs ») développée autour du château de Lusignan.

 

Au début du XIe siècle, Hugues IV possédait déjà les châteaux de Lusignan, Couhé et Vivonne. A ces édifices s’ajoutaient les constructions de l’église Notre-Dame et Saint-Junien à Lusignan en 1025, ainsi que le prieuré de l’église Saint-Martin à Couhé et l’église de Brux.

Dès lors, les Lusignan tentèrent constamment d’accroître leurs territoires et d’assouvir leur caractère ambitieux.

Tous les moyens étaient bons : mariages fructueux avec des filles de la noblesse locale, usurpations ou spoliations envers certaines abbayes poitevines comme Saint-Maixent, fréquents conflits avec leur seigneur que ce soit le comte du Poitou ou, plus tard, les Plantagenêts.

 


II - LA PERIODE PLANTAGENET (1154- 1199)

 

Le milieu du XIIe siècle marqua un tournant essentiel dans l'histoire du royaume de France.

En 1152, Louis VII répudie son épouse Aliénor, duchesse d'Aquitaine ; celle-ci se venge en se remariant peu de temps après avec le futur roi d'Angleterre, Henri II Plantagenêt. Tout l'ouest du royaume de France passa alors aux mains des Anglais. L'Aquitaine fut confiée à Aliénor, assistée du comte Patrick de Salisbury. Or, ce dernier fut tué en 1168 lors d'une embuscade tendue, d'après plusieurs chroniqueurs, par les Lusignan. En représailles, Henri II fit raser le château de Lusignan.

 

L'hostilité aux Plantagenêt se poursuivit dans les deux décennies ultérieures: ainsi, en 1187, un soulèvement éclata au cours duquel Geoffroy de Lusignan aurait tué, d'après certains chroniqueurs, un des plus proches conseillers du roi. Le mouvement échoua au bout d'un an et les rebelles furent contraints d'implorer la paix auprès d’Henri II qui la leur accorda à condition qu'ils prennent la croix. C'est ainsi que Geoffroy partit pendant l'été 1188 pour la Terre sainte.

 

Les Lusignan commencèrent ensuite à développer une attitude versatile qui les caractérisa jusqu'à leur chute en 1242 : ils prirent tantôt le parti des Plantagenêts, tantôt celui des Capétiens, ceci au gré de leurs intérêts. Par exemple, ils se rangèrent résolument à partir de 1189-1190 du côté du nouveau roi d'Angleterre Richard Coeur de Lion, calcul qui s'avéra être très payant (voir les articles sur le royaume de Chypre et sur les liens entre Lusignan et Plantagenêts).

 

Au moment où le Poitou devint une possession anglaise, c'est Hugues VIII qui semblait être le seigneur de Lusignan. Il épousa Bourgogne ou "Burgundia de Rancon" et ils eurent au moins six garçons. L'aîné mourut a priori en avril 1169 et ses propres fils étant trop jeunes, c'est son frère cadet Geoffroy qui devint seigneur. Il participa à tous les soulèvements contre Henri II, puis partit en 1188 pour la Terre sainte où il s'illustra. Il revint cependant en Poitou et épousa en secondes noces Eustache Chabot, ce qui lui permit d'acquérir les châtellenies de Vouvant et Mervent- actuellement dans le sud de la Vendée- ainsi que le château de Moncontour.

 

Hugues IX, fils aîné d’Hugues mort en 1169, devint seigneur de Lusignan au cours des années 1180. On ne sait rien de sa mère, ni de sa première épouse. Il participa à la troisième Croisade, mais son action est méconnue jusqu'à l'obtention du titre de comte de la Marche en 1199 (Voir l’article sur les territoires des Lusignan). Il aurait aussi dû épouser en 1200 Isabelle Taillefer, héritière du comté d’Angoulême, mais les fiançailles ont été empêchées par Jean sans Terre, devenu roi d’Angleterre après la mort inattendue de son frère Richard à Chalus, en Limousin (Voir le texte sur Isabelle dans la rubrique « Quelques figures célèbres »). C'est aussi la période au cours de laquelle on voit apparaître les premières branches cadettes dans la famille des Lusignan. Outre Geoffroy, Raoul s'établit dans la région d'Exoudun- actuellement dans les Deux- Sèvres- avant de faire un prestigieux mariage en 1194 avec Alix, héritière du comté d'Eu- au nord-est de la Normandie- et de la baronnie d'Hastings en Angleterre. Enfin, une autre branche cadette s'établit autour de Lezay et il existait aussi des liens avec d'illustres familles poitevines comme les Rancon, les Chabot, les Surgères...

 


III - LE XIIIe SIÈCLE, L’ÂGE D’OR DES LUSIGNAN EN POITOU

 

Par le mariage en 1220 d’Hugues X et d’Isabelle Taillefer, ex-reine d’Angleterre et comtesse d’Angoulême, les Lusignan mirent enfin la main sur le comté d’Angoulême qui avait échappé à Hugues IX, ajoutant ainsi un autre titre prestigieux à celui de comte de la Marche. Les possessions des seigneurs de Lusignan attinrent alors leur plus grande extension, à tel point que leur position dans le royaume de France leur permit d’envisager des mariages prestigieux avec des membres de la famille capétienne- une sœur et un frère du roi de France Louis IX- comme avec de grands vassaux (ex. du comte de Toulouse Raymond VII).

 

 

HenryIII Aquitaine

Au travers d’Isabelle d’Angoulême et des enfants qu’elle a eus de son premier mariage avec Jean Sans Terre, des liens très forts existèrent aussi avec les Plantagenêts.

 

Il semble qu’Isabelle et Hugues ont alors souhaité constituer entre Loire et Garonne une vaste principauté indépendante des deux couronnes. Ils prirent au début des années 1240 la tête d’une coalition dans laquelle on retrouvait, entre autres, le roi d’Angleterre et le comte de Toulouse, ainsi que de nombreux seigneurs poitevins. Le comte de Poitiers Alfonse était leur ennemi désigné et, à travers lui, le roi de France.

 

 

Ce fut un échec : en 1242, Hugues X, Isabelle et leurs enfants vinrent se soumettre à genoux devant Louis IX.

 

Plusieurs de leurs principales forteresses furent alors placées par le roi de France sous la garde des troupes royales ou comtales, et les conquêtes réalisées furent confisquées. Les Lusignan perdirent ainsi près d’un tiers de leur domaine et les rentes qu’ils recevaient du roi furent annulées.

 


IV - LA FIN DE LA LIGNÉE DIRECTE DES LUSIGNAN DU POITOU

 

Depuis la défaite d’Hugues X face au pouvoir royal et en dépit de grands mariages avec les héritières des duchés de Bretagne et de Bourgogne, les seigneurs Lusignan, engagés dans les croisades, connurent des difficultés financières dont le roi de France profita. Hugues XIII, époux de Béatrice de Bourgogne, possédait encore à la fin du XIIIe siècle une grande partie des immenses domaines des Lusignan. A sa mort, n’ayant pas d’héritier, sa succession entraîna de graves dissensions familiales exploitées par Philippe IV le Bel.

 

Un premier testament d’Hugues XIII en faveur de son frère Guyard fut annulé et remplacé par un autre, en faveur de son cousin Geoffroy. Ce dernier testament comportait un codicille favorable à Philippe le Bel dans lequel Hugues XIII engageait la Marche et l’Angoumois pour une forte somme d’argent afin de l’accompagner dans une campagne guerrière en Flandre. A la mort d’Hugues, en 1303, malgré ce dernier testament, Guyard, faisant valoir le premier écrit, prit le titre de seigneur de Lusignan et de comte de la Marche. Philippe le Bel, intervenant comme créancier et légataire, saisit les domaines de la Marche et d’Angoulême. Guyard mourut en 1308 sans héritier. Le roi prit alors possession de la baronnie de Lusignan.

 

La branche aînée mâle des Lusignan disparut à la mort de Guy, seigneur de Couhé en 1310, mais Yolande, sœur de Guyard, épouse du sire de Pons, réclama à titre d’héritière la baronnie de Lusignan, les comtés de la Marche et d’Angoulême. En 1309, le roi lui laissa l’usufruit de ces biens et le droit d’habiter le château. Dans le même temps, il traita avec Jeanne de la Marche, dame de Couhé et de Peyrat qui abandonna ses droits sur la succession de Lusignan en échange de terres dans la Creuse et de la confirmation de ses titres. En 1314, à la mort de Yolande, Lusignan se trouva définitivement réuni à la couronne.